La société dans laquelle on vit est fortement construite sur un, voir deux principes mathématiques : le dénominateur commun et le nombre primaire, qui par définition est divisible par lui même et par un.

Est-ce que toutes le sociétés correspondent à ce constat? Et qu’est-ce cela veut dire?
Ce qui est sûr, c’est que le schéma correspond à notre modèle de civilisation. Pour les autres, cela reste à voir.

Quand au dénominateur commun, il s’agit de l’argent. Dans le système libero capitaliste tout est quantifiable en termes monétaires: Le temps est de l’argent, l’effort l’est aussi, les choses, les idées valent de l’argent, … même le fait de ne rien faire coûte de l’argent. Puis l’argent ne vaut rien d’autre que de l’argent, il est donc un élément qui peut être comparé aux nombres primaires.

La mentalité et l’action de cette société se hissent à travers cette colonne vertébrale. Ainsi elle reconstruit l’histoire dans ce sens pour donner une relecture du passé qui montre son existence depuis la nuit des temps. A travers cette démarche le système établit sa légitimité (l’histoire des marchands, des pirates, des colonies, …) et construit une philosophie qui régit la logique d’agir. Dans cette “métaphysique” une approche presque théologique s’installe avec une dimension du sacré bien développée.

Le but déclaré n’est pas l’accumulation de biens ou d’argent, mais un concept sorti de nos ancêtres grecs: le bonheur. La monnaie s’installe comme le moyen pour y arriver le plus sûr et le plus rapide. Pour cela il suffit de suivre une règle, et une seule: la croissance.

La croissance se travestit sous le nom de progression, mais une progression qui n’a rien à voir avec le “sujet”, avec ses habilités, ses compétences ou encore sa richesse intérieure, mais uniquement avec l’objet, le résultat et la richesse externe.

Par ailleurs la richesse n’a rien à voir avec la quantité amassée, mais avec le delta, la différence qui montre l’accélération de la croissance. Ainsi il sera du domaine de l’hérésie de parler de “décroissance”. La société utilisera le terme “croissance négative”.

Si la progression du sujet est, elle, capable de s’inscrire dans un vaste univers, la “progression” de l’objet, elle, se construit dans un monde fini. Il y a plus de 50 ans* nous entendions déjà les premières voix s’élever pour signaler tel un cri d’alerte, l’épuisement des ressources, la détérioration volontaire de la nature et l’abus au nom du progrès. Il s’agissait des mines de charbon. La conscience écologique s’éveillait et acquit le rôle de garde fou. Aujourd’hui nous entendons de nouveau ces voix qui réagissent cette fois contre le pétrole.

La société entend ces cris d’alerte et dans son intelligence le système l’incorpore dans sa philosophie… “L’écologie, ça se chiffre”. Suivant la logique qui dit ce qui est gratuit n’est pas bon pour la croissance, nous voyons que des inventions telles que celle du moteur à air comprimé capable de faire voler un Airbus et qui ne nécessite pas de recharge, sera engloutie par les multinationales du pétrole et celle du moteur à eau sera discréditée. Ainsi également, les biocarburants ne disposant pas d’un lobby suffisant et ouvrant la porte au contrôle des pays ayant de vastes étendues de terre seront discrètement abandonnés, mais le moteur électrique qui permettra de vendre plus d’électricité, de batteries et de maintenir les stations est promu.

De plus, la conscience écologique permet de taxer tout ce qui a été jusqu’à là mis en place sans possibilité d’alternative.

Toutes ces actions s’inscrivent dans la croissance. Le monde étant limité, le système a ouvert les yeux grâce à la conscience écologique qui a permis une soupape de production alternative.

Cependant, depuis la fin de la guerre froide, le système capitaliste vit une profonde accélération. Le bastion qui servait de garde fou (la guerre froide) est tombé. Il permettait aux systèmes d’avoir des dirigeants qui consacraient du temps à promouvoir les bienfaits du système montrant le bonheur des gens, de leur population. La fin de la guerre froide a ouvert le marché au capitalisme donnant accès à une croissance dans un marché non défriché: les pays émergeant. Ces pays embrassant le nouveau système prometteur de bonheur veulent leur part du gâteau… Comment leur dire:«vous ne pouvez pas avoir la même chose que nous car le monde est fini»? «Nous, nous en avons profité, mais vous, vous devez maîtriser votre envie de bonheur». La finitude du monde se ressent de plus en plus fort.

Le système a deux voies pour tempérer un scénario qui est voué à la catastrophe (l’épuisement des ressources naturelles et l’autodestruction) :

La première est utilisée depuis long temps de manière naturelle, il s’agit des crises. Ce système interne d’auto régulation de la santé du système libero capitaliste permet de faire le nettoyage comme une tempête dans une forêt. Les arbres peu résistants, voire pourris, tombent laissant place à la croissance des autres et créant de l’engrais et des refuges pour les animaux. De la même façon, les guerres, les pandémies, les crises mondiales agissent sur l’écosystème capitaliste. Une fois l’accalmie de retour, la nouvelle forêt se construit sur les ruines.

Le système a besoin de ces régulateurs pour assurer son existence. Telle que la lumière a besoin de l’ombre pour être vue.

La deuxième voie est le développement des limites du monde. Ceci est indispensable pour garantir le maître mot : “la croissance”. Les régulateurs permettent un simple maintien du système, avec une croissance qui est considérée comme étant un taux normal d’évolution: Un statu quo; mais il n’ouvre pas de vrais axes de croissance tel que le capitalisme l’entend, c’est à dire qu’il n’offre pas d’accélérateurs de croissance. Le système est fait de telle manière qu’une croissance de 2% par an n’est pas suffisante, le système va donc rechercher l’accélération de cette croissance et pour cela il a besoin de nouvelles terres blanches (WhiteSpace).

Depuis un monde fini comme la terre, deux opportunités s’ouvrent :

D’une part l’exploration spatiale à la conquête de nouveaux mondes. L’écosystème capitaliste s’inspire de la période Impérialiste et des colonies pour appliquer dans le cadre de la globalisation une approche similaire. Depuis les années 60, la lune, mars, la station MIR, … le programme spatial a suivi plusieurs rebondissements qui ont mené les différents pays à s’unir pour mener une action conjointe de colonisation au nom de la Terre. Un programme long rempli d’incertitudes et de risques où la maîtrise des événements reste faible. Cependant la promesse de croissance dans un univers vierge laisse envisager des opportunités de croissance invraisemblables.

D’autre part, il y a la création des nouveaux mondes. La dimension virtuelle a permit à ce niveau de créer de nouveaux marchés dont les limites sont inconnues (ou imposées par la propre autocensure du système). Elle produit la vision d’un marché illimité. Les répercutions environnementales étant peu visibles, la conscience écologique est reléguée à de simples normes et labels finançables. L’espace virtuel permet à travers de nouvelles méthodes, d’atteindre des lieux jusque là trop lointains, des niches de difficile accès et des segments de marché non exploités, le tout en minimisant les investissements et en mutualisant les ressources. Ainsi l’espace virtuel offre au système sociétaire capitaliste une ouverture pour réaliser de la vraie croissance.

La question qu’on se pose est:«qu’est devenue la vertu dans tout cela?» Dans les sociétés de nos ancêtres, Socrate espérait la réforme des individus pour répandre le bonheur dans la cité. Qu’est devenue le bien comme but suprême de l’existence? Dans la société libéro capitaliste, le bien est nommé croissance. Mais ceci est purement objectif. La question que nous nous posons est plus d’ordre moral.

* En 1913, le congrès de Berne réclamait une « Protection mondiale de la nature », principalement du constat de la dégradation de la nature par l’homme, notamment par la chasse et la surexploitation de la nature, puis par la pollution et la destruction à grande échelle de milieux naturels ([forêts tropicales] notamment.

@Regards de Femme// Les Pensées Akelarre np©nathalie.peguero
11/10/2009

Citer en tant que:
Nathalie PEGUERO: Reflexion à haute voix: « La perversité du système 1.7 » Coll. Les Pensées Akelarre Ed. WordPress on line. 2009

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