Le cercle, symbole de la folie de celui qui tourne en rond, est désormais vu comme une spirale, symbole chargé de force et de dynamisme qui induit le souffle de vie. C’est ce chemin que parcourt le Geek à travers les âges. A travers ce voyage il gagnera, dans le regard des autres, une dimension supplémentaire et avec elle une prise de pouvoir sans précédent dans l’histoire.

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Citer en tant que: Nathalie PEGUERO: Réflexion à haute voix: « Le concepteur de Geek : de la folie au génie 2.7 » Coll. Lʼesprit d’Atlantide Ed. WordPress on line. 2016

Geek,… Mais d’où nous vient ce terme barbare ? Elle donne l’impression de sortir directement d’une sonorité émise par un circuit défectueux. « Pardon? Comment? Vous avez dit quoi? Geek? »

Comme un être en état d’ivresse qui n’arrive pas à baliser sa pensée, le mot Geek arrive à nos oreilles dans son état le plus signifiant. Son allure moderne dépasse la mémoire des anciens qui ne reconnaissent pas sa signification… Et pourtant… Il ne date pas d’aujourd’hui.

Le terme Geek, tel qu’il nous est parvenu en France, a pris sa forme sémantique définitive courant années 80. Issu d’une généalogie dont les traces nous mènent à l’époque médiévale, il nous arrive finalement depuis les États Unis après un long voyage qui a commencé en Europe, plus précisément entre le Pays Bas et l’Allemagne inférieur.

Lors de son parcours géo-temporel, le terme Geek se charge d’un écosystème conceptuel riche en couleurs : idiot, fou, grotesque, carnavalesque, monstre, dévorateur,… Avant son dernier saut depuis l’autre côté de l’Atlantique, une dernière teinte, absolument fondamentale pour la montée au pouvoir lui sera associée : celle-ci est liée au terme Nerd. « Mon Dieux, nous qui pensions en voir le bout! »

Penser que ces deux termes sont deux synonymes est une erreur, même si dans les années 60-70 leur frontière était très floue. Certes, pendant cette décennie les deux sont utilisés indistinctement pour marquer, voire étiqueter de manière insultante des étudiants matheux et intellectuels. La mode sera lancée notamment par les Jocks, ces étudiants sportifs moqueurs qui les tiennent ainsi à l’écart de leur environnement social. Cependant le comportement et l’attitude des Geeks et des Nerds vont aider à cristalliser les deux concepts.

Le Geek se caractérise par sa passion, son enthousiasme jovial sur la contre-culture, la technologie et tout ce qui est différent. Il est curieux et s’intéresse sans se prendre au sérieux. Parfois grotesque, carnavalesque, il est capable de se déguiser pour aller au cinéma, pour assister à la sortie de son dernier film préféré. Il a comme Héros, des êtres équipés de pouvoir en collants, avec des masques et des capes, des justiciers, des êtres attiques et contrastés,… Il est sociable. Il assiste aux conventions où il retrouve les siens. Le Geek est excessif. Il dévore tout ce qui le passionne; mais il est cool, amusant et différent. Quand le monde virtuel nous parvient le Geek est comme un poisson dans l’eau car avant tout c’est son monde. Le contenu, c’est lui.

Le Nerd se caractérise par son savoir. C’est un expert en tout ce qu’il touche. Il est avant tout intelligent. Il a en commun avec le Geek sa curiosité. Lui aussi « dévore tout ». Il a envie d’apprendre mais surtout de repousser les frontières, c’est aussi un marginal, un solitaire. Son espace, c’est le Lab, qui est dans son garage ou dans sa cave. Contrairement au Geek, il est discret, traditionnel. Jamais dans la dérision de soi, ni de l’autre. Il a comme Héros des grands savants. Le Nerd est « Smart » mais très sérieux. Le monde virtuel est technologiquement son concept. Les moyens, les protocoles, la méthode, c’est lui. Et son prochain projet, c’est Mars.

Si le Geek s’est intégré à la société qu’il a contribué à créer à travers sa prise de pouvoir, il n’aurait pas pu le faire sans le Nerd, qui quant à lui, a gardé un côté stigmate. L’effet de mode dérange certains puristes. Face à la perte d’identité isolationniste du terme Geek, ils s’auto-proclament Nerd dans un effort de garder ce côté aliéné. Ils souhaitent accentuer leur différence comme signe d’identitaire. Si cet effet est moins perceptible en France, les deux territoires se chevauchent souvent. Ils ont en commun d’être des Dorks, c’est à dire, des individus inadaptés au modèle social classique. Ils ont un attrait pour l’informatique et les sciences à un niveau très poussé. Geek et Nerd sont néanmoins clairement distincts dans l’imagerie et le vocabulaire.

Le concept de Geek s’inscrit au centre de la spirale, autour de laquelle gravitent des terminologies étranges qui définissent des profils anthropologiques. La particularité réside dans la nature de ses profils et du bénéfice dont le Geek se nourrit dans son interaction avec eux. Parmi son entourage, on retrouve autant des êtres réels (aliénés comme les Nerds ou intégrés comme les Jocks) que des êtres contrastés* émanant du réel mais prenant vie dans la psyché Geek ( comme les mutants, les cyborg, les clones,…)

*Lire article « Les trois fondamentaux »

Nous sommes en mesure de nous poser la question à savoir si le concept de Geek se limite à cette attitude curieuse et dévoratrice qui tente de perdurer à travers le syndrome du thérianthrope. Certes le Geek se fond dans la masse et s’intègre pour trouver une place dans la société, cependant quand il est dans son refuge il laisse sortir l’animal qui est en lui.

Mais qui est vraiment le concepteur du Geek? Les êtres « communs » l’on nommé. Les bons samaritains lui on donné le nom de Geck (le fou) et les Jocks, ces jeunes sportifs de la bonne société, se moqueront de lui en l’appelant Geek (le monstre). Cependant, nommer est-il un acte de concevoir?

Laura Calabrese Steimberg de l’Université libre de Bruxelles explique dans son article* de 2012 « qu’à partir des années 1970, l’école praxématique produit un appareil théorique important concernant l’articulation entre le langage et le monde exprimée à travers la notion d’acte de nommer. Dans ce cadre théorique, la nomination est envisagée comme une pratique à la fois sociale et linguistique, car nous nommons toujours à partir de nos représentations et nos catégorisations, mais aussi parce qu’elle implique toujours une prise de position par rapport à l’objet nommé (Siblot in Détrie et al : 2001). Pour Paul Siblot, la prise de position est propre à la nomination, laquelle « en même temps qu’elle catégorise l’objet nommé, positionne l’instance nommante à l’égard de ce dernier » (1997 : 42). Il institue ainsi la centralité du sujet dans l’acte de nomination, lieu d’affirmation identitaire et aussi lieu d’exercice du pouvoir (Akin 1999 : 35) de ce sujet individuel ou collectif. »

*Laura CALABRESE STEIMBERG : « L’acte de nommer : nouvelles perspectives pour le discours médiatique ».
Revue Langage et Société. Éd. de la maison des sciences de l’homme. 2012 pages 29-40

L’acte de nommer utilisé par les Jocks n’a pas de fonctionnalité descriptive. Le Jock exprime une contrainte dans laquelle il projette ses désirs. Il tente ainsi de façonner la réalité au moulage d’une catégorie qui lui convient. Cette catégorie est définie par un jugement, qui, quant à lui, dérive d’une peur, celle de « je ne suis pas ça ». L’acte de nommer vient d’une action par le biais de laquelle on intègre un existant à la réalité sociale en le dépossédant des attributs qui dérangent la société. Tel un filtrage, cet acte ne reprend pas dans son intégralité le potentiel de l’existant, il ne détermine pas une entité finie ( au sens Kantien du terme). Le corps social peut ainsi assimiler l’identité imaginée. Car dans l’acte de nommer le Jock crée un hiatus entre le clivage imaginaire du concept (le fou, le monstre), qui tente d’imposer, en reprenant le vieux terme de Geek à connotation péjorative, et l’être réel qui s’inscrit comme une passerelle entre ce qui nous dépasse et ce que nous sommes.

Pendant des siècles le Geek cherche un espace vide pour créer son propre ordre mental et développer son potentiel. Cette recherche est dû à un manque de pouvoir historique dans le monde réel qui le limite dans sa création de soi (tabous, réglementations, institutions, jugements d’autrui, culture, famille, le regard des autres,…) Comment échapper à ce qu’on dit que tu es quand tu sais qu’au fond de toi tu es bien plus que ça?

La force du Geek viendra de sa propre aliénation, de sa solitude et de son ghetto social. « La censure est le refoulement qui donne la force aux symboles »*. A travers le fil du temps, le Geek a imaginé la dimension affective de l’image que la société avait de lui comme étant une généralisation dynamique. C’est à travers cette transformation du concepteur de soi qu’il incarne le trajet de la représentation imaginaires de sa propre création. L’acte de nommer du Jock reste un geste. Tandis que le Geek, quant à lui, porte la conception au-delà de l’archétype imaginaire vers un engagement pragmatique.

* Gilbert DURAND : Les structures anthropologiques de l’imaginaire.
Ed. Dunod, coll. Psycho Sup. Paris. 1993. 560p

Pour s’exprimer, pour se retrouver, le Geek possède sa communauté, ceux qui lui ressemblent : les êtres qu’on exhibe dans les foires puis au cirque. Le dénie social a créé son ghetto et quand le ghetto s’est exhibé, il a créé le show. C’est dans les foires et au cirque que le Geek* trouve un premier semblant d’assimilation nourricière dans la société.

* Depuis l’époque Victorienne jusqu’au XX siècle, on entend aussi le terme Freak, human Freak et Freakshow.
Cette terminologie sera reprise en Espagne sous l’expression « Freaky » pour désigner un Geek.

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Même si son espace est normé et limité à l’extérieur des villes, dans le cirque on doit se montrer, montrer ce qu’on sait faire de mieux ou montrer sa monstruosité*. De plus, on est pas obligé de prendre les choses au sérieux. Le but est de provoquer, de générer un mouvement, d’établir une dynamique, un flux, d’obtenir une réaction spontanée (la surprise, la peur, le rire,…).

Le Geek aspire à transformer le monde dans un cirque géant. Mais les inventions technologiques qui rendront ce rêve possible ne viennent pas de lui. Ils viennent du Nerd. C’est lui qui l’a créé et pourtant il préfère rester dans l’ombre.

* Les monstres humains n’avaient pas le droit d’entrer dans les villes,
alors les cirques et les foires s’installaient en dehors de celle-ci.
La monstruosité s’exhibait dans les Freakshow, aussi appelé le Sideshow car le spectacle se donnait à côté du cirque :
ils ne s’exhibaient pas avec les autres. Ils avaient leur propre espace avec leur propre stars.

L’apparition du monde virtuel aurait pu être sa vengeance : « puisque vous m’avez aliéné, parqué dans une cage, exhibé et privé de liberté pour être moi, je vous donne les moyens de vous aliéner vous-même et de devenir un No-Life, parqué dans votre chambre devant l’écran, connecté au monde où tout le monde peut vous voir… Vous pourrez devenir les êtres que vous pensez que j’étais, des monstres étranges et vous exhiber. »

Mais c’est le Geek qui prend le dessus par rapport aux Nerds. Car c’est lui qui procure le contenu qu’on trouvera dans le monde virtuel et la vengeance ne fait pas partie de sa nature. C’est un être social qui cherche le contact, il aime jouer, provoquer, c’est donc dans le flux, la circulation et les relations qu’il se réalise. Il nous donne les moyens de nous trouver à nous-mêmes pour libérer notre partie animale et de devenir ce que nous sommes, sans jugement et sans regard moralisateur.

Le Geek puise alors dans un monde sans passé ( le monde virtuel) pour se re-créer. Il reconstruit le rapport entre lui et sa réalité. Il n’est plus un archétype mais une constellation d’image. Il développe une capacité à s’inventer. Comprendre ce qu’est un Geek demande de la pédagogie pour pouvoir comprendre les champs imaginaires qu’il active. Le Geek devient ainsi un concept politique, plus précisément, un concerpteur démocratique car il oblige à sortir d’un clivage de pensée et d’action à travers l’explication, l’analyse et l’éducation.

Il devient aussi un principe organisateur. Il met en place l’interaction de ces êtres en quête de soi. Il crée des nouvelles règles de société et de nouveaux moyens de communiquer. Il définit une nouvelle répartition des frontières territoriales. Il redessine les règles du concept privé/public.

Le monde virtuel est alors chargé par un fort degré d’attraction, autant par son imaginaire que par le déclenchement d’une économie réelle. Il vient pallier un manque de dynamisme sociétaire. Il est devenu le cirque mondial où tout est possible. Son espace mental, sa psyché, sa communauté et son monde symbolique s’élargir chaque jour. Il connecte. Il provoque. Il interagit. La vision de cet espace, comme un lieu d’épanouissement personnel, lui confère une prise de pouvoir. Car en réalité il a transformé l’espace en flux (le monde virtuel est un continuum de zéro et de un, 01000111 01100101 01100101 01101011 00001010 ) et a créé un fossé conceptuel entre la politique (partis politiques) et le peuple.

Au début du XXI siècle, les « hommes » politiques continuent à s’adresser à des communautés, des classes sociales or le Geek a transformé le « Nous » en « Je »* (Jeu). C’est devenu un « Toi plus moi, plus lui… »** Le « Nous » est désormais une assemblée de « Je », c’est à dire, d’êtres dont la différence fait la force de la communauté. « L’homme » politique se confronte à un problème de langage car il s’adresse à des Espaces ( des quartiers ou des régions (espace géographique); des classes sociales ( espace hiérarchique); …) mais ne sait pas s’adresser à l’espace virtuel.

* »Je suis Charlie » 8 Janvier 2015. Réaction collective face aux attentats terroristes de Charlie Hebdo
** Chanson « Toi + moi » de Gregoire 2008 YouTube

Le Geek a insufflé une dynamique dans l’espace. Dans le virtuel les « ubicuations » voyagent, elles sont fluctuantes. Le Geek a créé une passerelle. Dans le réel, le peuple est devenu mobile. L’être moderne renoue avec l’itinérance, comme le cirque, où la richesse du spectacle vient de la différence de ceux qui la composent ainsi que de leur excellence dans l’exhibition de cette spécificité.

Les gouvernements ne peuvent accepter cette fuite d’autorité et se doivent de réagir faute d’avoir anticipé*. Pour cela ils utilisent les institutions, les lois, les décrets,… Mais comment un escargot peut-il attraper un sphinx-colibri ? Quand le Nerd entend parler d’une nouvelle mesure qui se prépare légalement pour contraindre sa création, il réagit en une nano- secondes. La loi n’est pas votée qu’elle est déjà obsolète.

* Lire article  » Le monde ne suffit pas : Cyber-Guerre, idéologie et pouvoir « 

Le gouvernement tente de transcrire les exigences politiques en terme de « sécurité » ou de « justice sociale » quand en réalité il tente de gérer l’espace virtuel comme un espace géographique. Mais ce qui n’est pas interdit est autorisé. Le Nerd anticipe l’action du pouvoir des institutions et il bifurque vers une voie de substitution. Il protège ainsi la portée de sa volonté qu’il partage avec le Geek et qui est délimitée par son désir d’être et de s’exprimer dans toute sa potentialité et haut de là. Le Nerd se dresse comme défenseur de la Liberté face à la Censure. Car comme disait Montesquieu,  » La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir. »*

* Charles de Secondat, baron de Montesquieu : De l’esprit des lois (1748)

Les règles du monde virtuel sont bien plus réactives que celles des institutions. Alors à qui s’adressent les lois? Si le Nerd est trop rapide et s’adapte puis le Geek cherche l’intégration par l’acceptation de sa différence, qui subit ces lois? Il y a effectivement deux types de Geeks : Celui qui est authentique, eugénique. Puis les clones, ceux qui se créent comme un effet de mode, par assimilation et mimétisme, question d’être intégré dans la mouvance. Ce sont ces derniers envers qui le conflit légal se déclare car ils ne possèdent ni la vitesse du Nerd (connaissances) ni la nature du Geek (speculum mêtis).

Le Geek eugénique est un facilitateur, une charnière, qui rend possible la société d’aujourd’hui. Il a été le concepteur mais pas le créateur. Il a conçu l’idée du cirque mondial et une fois que le monde virtuel est né*, il lui a donné un sens, il lui a donné un esprit. Il a ouvert les réglementations et il a étendu l’univers.

*29 octobre 1969, à 22:30, « lo » arrive sur l’écran de Stanford. Le message arrive de Los Angeles. Il fait penser au bit (1,0) ou encore aux I/O (/Ayo/, entrées/sorties de Data) mais il en ai rien. Initialement, le mot « login » devait être transmis, mais la connexion n’a pas fonctionné correctement et seules les deux premières lettres sont passées. C’est aussi le premier BUG. A l’époque il n’y avait que quatre systèmes connectés, l’université de Los Angeles, l’université de Santa Barbara, l’université de l’Utah et l’institut de recherche de Stanford. C’était le premier message du future internet.

Si le Geek n’a pas créé le monde virtuel il a contribué à sa consolidation, y a généré de nouveaux rapports, de nouvelles communautés, une nouvelle hiérarchie, une nouvelle économie, un nouvel art et une nouvelle manière de faire et de voir. Mais surtout, il a créé la psyché de la nouvelle culture actuelle. Le Geek ne se trouve plus face au monde mais au sein de celui-ci, il en est devenu son centre motrice.

Le Geek a une conception multidimensionnelle de l’être : « Tu es ce que tu ressens ou tu en as la capacité de le devenir. Si tu ressens que tu es mutant, alors tu l’es ( car tu diffères de ce que les autres veulent voir en toi ); si tu ressens que tu es un clône, alors tu l’es (car tu agis comme les autres); … Et cela ouvre un champ de possibilités exponentiels.

De manière à apporter un équilibre à ce qui pourrait dériver dans une source de névrose, le Geek opère un transfert vers un Sideshow : la Science Fiction, où l’on retrouvera, sans effets de masque, un espace psychique habité par des archétypes de la culture Geek. La SF (Science Fiction) est « un espace de réalités mouvantes, instables et ambiguës, qui ne se prêtent ni au raisonnement rigoureux, ni à la mesure précise, ni à la mise en système »*. C’est l’espace où le Geek va déployer sa Mêtis, une méthode qui permet aux faibles de triompher. Celle qui « ne fait pas de distinction entre l’être et le paraître, entre le monde des Idées et le monde sensible »* permet au Geek de développer sa versatilité.

*Jean-Pierre Vernant : Les Ruses de l’intelligence. La métis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974

Dans la science-fiction le Geek développera son Hybris. Déjà défini par sa démesure (le monstre), la SF lui permettre d’affirmer son écho et de développer un certain sens de l’orgueil. Ce qui était vu comme un crime dans le monde réel, est devenu une voie de recherche sur sa propre nature, un questionnement perpétuel sur qui sommes-nous en dehors des apparences?, qui sommes-nous en dehors des limites?, qui sommes-nous en dehors du cadre nominative qui nous désigne?.

La SF oblige à réfléchir en dehors des concepts de la pensée traditionnelle qui n’est plus capable de traduire la condition existentielle du Geek. Elle oblige à faire appel à une pensée plus ouverte et créative, à penser « out-of-the-box » ( la moïra ) sans craindre le châtiment ( la Némésis ).

Tel le Bifröst, le Geek se positionne comme une passerelle entre Eux (les archétypes de l’hybris : les êtres mutant, les cyborgs, les clones, les dieux, les super héros ) et Nous (les êtres humains de la moïra).

Extrait du dialogue Lois Lane et Clark Kent – Smallville Episode 12 saison 9
[ À propos des Geeks et des SuperHéros ]

Loise Lane :  » Ils (les Geeks) en ont une vision fantaisiste. Il (le SuperHéros) est une sorte d’échappatoire, quelque chose qui apporte une touche de magie dans une vie ordinaire »

La déclinaison évolue de l’ignorance à la curiosité, de la sympathie à la fascination et de la sublimation vénérable à l’abnégation.

En plus des portes psychiques il crée des parcours réels, touristiques pour découvrir les lieux de fiction, des lieux importants dans la mythologie Geek : Harry Poter, Game on Thrones, StarWars,… Dans le monde réel il est désormais capable d’avoir une vision augmentée enrichie de sens, de connaissances et d’anecdotes.

Le Geek déploie un éventail de gestes émotionnels proches du rituel ainsi que des citations répètes à l’infini comme des oraisons qui révèle de la quête existentielle : « Je suis ton père »*, « Que la Force soit avec toi »*, « Ça ne fait pas grand bien de s’installer dans les rêves en oubliant de vivre » **, « Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes »**, « Tous les nains sont des bâtards aux yeux de leur père. »***, « Les lions ne se soucient nullement de ce que pensent les moutons »***, « Longue vie et prospérité »****

* Star Wars   ** Harry Potter  *** Game of Thrones  ****StarTrek

Dans sa quête d’identité pour retrouver sa place dans le monde, le Geek transforme les paradigmes existences. Partant d’une mise en échec, il agit à deux niveau : l’un, géographique, l’autre, logique.

Quand l’espace ne se définit plus dans l’instant mais plutôt dans le mouvement, alors la prise de pouvoir de l’espace que nous occupons change de modèle. L’acte d’habiter n’est plus lié à l’appropriation du sol, mais au moyen. Il ne s’agit plus de la terre qu’on foule mais de la semelle, celle qui fait l’interface et qui nous accompagne dans le voyage.

Quant à l’existence logique, celle qui s’inscrit dans le temps, elle aussi change de paradigme. Les actions du présent déclinent de notre passé et ont des conséquences dans le futur. Elles laissent une trace, ont un impact et génèrent des survivances. L’existence logique change et s’enrichit de sens. Le véhicule et l’engagement sur les deux nouveaux paradigmes existentiels de la culture Geek.

La science-fiction permet aux Geeks de pouvoir soulager la crise existentielle. Elle permet de pouvoir regarder l’altérité en tenant compte de variables qui ont été filtrées, oubliées éradiquées dans le monde réel. La détermination rigoureuse du quotidien est évacuée dans un univers plus flexible capable d’expliquer et de proposer des tactiques de vie.

Le Geek a besoin de la SF pour se concevoir. Elle contient une valeur symbolique par laquelle il se définit et une valeur existentielle par laquelle il se construit. Il crée ainsi des médiations avec le corps social. Avec la mise en place de dispositif de liaison entre le monde réel et sa psyché, il agit contre le doute et donne de la crédibilité à son existence. Cela lui qui permet d’avancer avec confiance et de se placer dans le monde non plus comme une bête de foire mais en tant qu’architecte de la société future.

@Regards de Femme// L’esprit d’Atlantide
np©nathalie.peguero 04/09/2016
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